Cela fait plusieurs années que je connais Jerôme Marsac, le P-DG de Cybergun (FR0004031839) – 10 ans précisément. A l’époque, tout semblait réussir au spécialiste des armes factices qui générait croissance et rentabilité. J’avoue que j’étais même surpris de la taille de sa société, car il ne me viendrait pas à l’idée d’acheter une réplique de Colt ou de Kalachnikov. Il faut croire qu’il y a un marché pour cela.
Et puis, Jerôme Marsac a tenté une diversification dans les jeux vidéo. Ce fut un échec qui allait placer la société au bord du gouffre. Comme l’homme ne mâche jamais ses mots, cela me paraissait intéressant de le rencontrer pour une opération-vérité : avouer ses échecs au grand public tout en voulant encore y croire.
EL: Pouvez-vous revenir sur les grandes dates de la vie de Cybergun ?
JM: J’ai créé la société dans un garage avec Vincent Bouvet, grâce aux 5 000 francs prêtés par son grand-père. Nous étions à la base spécialisés dans les maquettes avant de nous spécialiser sur les pistolets en plastique en 1993. Nous obtenons nos premières licences en 1996 dans la réplique d’armes factices, notamment du Colt et du Smith & Wesson, avant de nous introduire en Bourse en 1999.
A l’époque, nous possédions neuf licences pour environ 6 millions d’euros de chiffre d’affaires. Je me rappelle de notre introduction réussie sur une valorisation de 24 millions d’euros. Nous nous sommes développés aux Etats-Unis à partir des années 2000 avec nos premières boutiques en 2002. Nous connaissons alors une croissance fulgurante jusqu’à réaliser en 2011, 84 millions d’euros de chiffre d’affaires et 10 millions d’euros d’Ebitda.
EL: C’est là que vos ennuis commencent : avec une diversification ratée dans les jeux vidéo
JM: Tout nous réussissait à l’époque et, en rencontrant Frédéric Chesnais [NDLR : un spécialiste des jeux video], je décide de me servir des licences de Cybergun pour nous développer dans les jeux vidéo. L’idée était de développer des jeux en étant financé par des tiers avec partage des profits. Je fusionne Cybergun avec l2G, l’entreprise de Chesnais, et je lui verse 4 millions d’euros en cash et 12 millions d’euros en titres. Mais rien ne fonctionne vraiment.
Notre premier jeu, Blackwater, dans lequel Cybergun injecte 4 millions d’euros est un énorme fiasco : nous ne vendons que 50 000 exemplaires contre 500 000 budgétés. Et le lancement des autres jeux s’avère être un désastre. Cette aventure dans les jeux vidéo, maintenant soldée, a coûté au groupe 32 millions d’euros, de quoi nous placer au bord du gouffre. Je pense que j’ai été trop naïf dans cette aventure, et j’ai donc décidé, après cet épisode calamiteux, de me recentrer sur mon core business : la réplique d’armes factices. On se construit de ses échecs. C’est le message que je veux faire passer aux candidats entrepreneurs.
EL: Comment va Cybergun actuellement ?
JM: Beaucoup mieux, même si la situation financière reste délicate. Nous avons 7 millions d’euros de fonds propres pour 38 millions d’euros de dettes. Mais j’ai repris les choses en main avec mon équipe et nous avons complètement changé notre façon de faire du business. Nous réduisons nos stocks de façon drastique en ne commandant que ce qui plaît sur catalogue et non pas en constituant des stocks avant. Nous avions quatre entrepôts aux Etats-Unis et nous venons de nous débarrasser de celui de l’Arkansas.
De même, nous comptons nous développer à l’international en Asie et en Amérique Latine. Après des mois difficiles, je suis redevenu le premier actionnaire du groupe avec 12% du capital. Mon objectif est de retrouver le chemin de la croissance, et rebondir au-delà des 50 millions d’euros. Je ne préfère pas vous donner de dates, mais toute l’équipe s’y attelle. Ce développement au grand export et aux Etats-Unis représente aujourd’hui 50% de l’activité et devrait repartir rapidement.
Nous devrions également améliorer notre rentabilité assez rapidement et je vise un retour autour des 40% de marge brute contre 33% actuellement.