Certains P-DG pourraient être des personnages de romans ; ils auraient parfaitement leur place dans les oeuvres d’Alexandre Dumas ou de Victor Hugo. C’est notamment le cas de Jean-Baptiste Descroix-Vernier, le président et fondateur de RENTABILIWEB (BE0946620946 – BIL), célèbre pour ses dreadlocks.
• Success story d’un P-DG peu ordinaire
L’homme a eu plusieurs vies avant de créer sa société, réussissant au passage à faire rentrer François Pinault et Bernard Arnault dans son capital (excusez du peu…). Il a été successivement séminariste puis avocat d’affaires. Il a disparu pendant un an et demi au point que même ses parents ne savaient pas où il était. « J’entretiens le mystère, je ne vous dirai rien ; j’ai eu ma période comme l’avocat Jacques Vergès », commence-t-il avant de me tutoyer dans la foulée. En dépit des rumeurs sur son caractère parfois difficile, l’homme a été extrêmement courtois, répondant à toutes mes questions.
J’ai tout de suite senti que la langue de bois n’était pas son truc. Il n’aime pas les roadshows ni certaines questions « débiles » des gérants ou des journalistes. Mais il admet que lorsqu’on est de ce côté de l’entreprise, on ne peut se soustraire à un minimum de communication — ce n’est pas moi qu’il faut convaincre, vous commencez à me connaître.
Dès le début de notre entretien à l’hôtel Raphael, où il a ses habitudes, il me prévient. « Nous avons quarante minutes, je dois rentrer à Amsterdam sur ma péniche, où j’habite. J’ai besoin de ce calme ».
• Une activité ancrée dans une tendance porteuse
Bon, avant de vous parler des finances et de la santé de la société, il serait peut-être bon que je commence par le début : son activité. RENTABILIWEB est spécialisé dans la monétisation d’audience. C’est-à-dire que son travail est de rentabiliser et de monétariser les visiteurs de sites Web, que ce soit pour son compte propre en éditant des sites Web (en B to C, business to consumer), ou en proposant des solutions de paiement pour des compte de tiers (B to B, business to business).
Puisque j’ai fait le point il y a peu sur le e-commerce, vous savez donc que ce secteur se porte à merveille. Et logiquement, l’activité de RENTABILIWEB est franchement dynamique.
L’an dernier, le chiffre d’affaires du groupe a progressé d’environ 38% à 90 millions d’euros (mero) : 51,6 mero (+28%) pour le B to C et 38,4 mero (+54%) pour le B to B. « Dans le B to B, nous sommes devenus un one-stop shop de la monétisation d’audience avec des services de micro-paiement, du marketing interactif ou encore de la régie publicitaire » me précise Jean-Baptiste Descroix-Vernier. « Parmi nos principaux clients figurent des acteurs de la presse, des jeux ou encore du e-commerce ».
Je vous l’ai dit, le groupe édite également des sites de divertissement comme les jeux, le dating ou encore l’astrologie (nouveau thème développé par le groupe) pour son compte propre. « L’un de nos sites qui marche le mieux est abrutis.com ! » me confie-t-il avec un large sourire. De toute évidence, l’ironie de la chose lui plaît.
Pour JBDV, il faut proposer plus de contenus dans l’emploi, le sport ou encore l’information. « Nous dopons notre trafic par cross selling entre nos différentes activités ». Le cross selling est une technique commerciale, adaptée à Internet, qui consiste à proposer au client d’un site des produits d’un autre site, qui pourraient l’intéresser car complémentaires.
Mais une grande partie de notre conversation a porté sur une nouveauté très importante pour le groupe : l’agrément obtenu comme établissement de paiement en ligne : « Nous avons obtenu un agrément de l’autorité de contrôle prudentiel nous permettant de faire l’encaissement pour compte de tiers et la compensation. C’est un énorme relais de croissance pour nous car nous allons pouvoir concurrencer des établissements comme la Société Générale ou encore le Crédit Mutuel. Et nous serons moins cher car nous avons moins de charges que les banques classiques ». Le P-DG se refuse à faire quelques prévisions.. Tout juste sait-on que l’activité doit démarrer cette année, avec un agrément étendu sur l’Allemagne et le Royaume-Uni. Mais de ce que j’imagine, le marché semble gigantesque.
D’après la Fevad (je vous renvoie une nouvelle fois à mon article sur le sujet), 31 milliards d’euros ont été dépensés dans l’Hexagone sur Internet. De quoi permettre à RENTABILIWEB de trouver un nouveau relais de croissance et de rentabilité (!) dès cette année. Car les premiers paiements devraient être effectifs dès le S2.
• Une société qui porte bien son nom
Alors la rentabilité, parlons-en… RENTABILIWEB porte bien son nom, comme peuvent l’être les stars de l’Internet. L’an dernier, je vous l’ai dit, son CA a progressé de 37,6% à 90 mero pour un résultat d’exploitation de 15,5 mero, en hausse de 38,4%. Et 2011 devrait être encore un excellent cru.
Au premier trimestre, le CA a d’ores et déjà augmenté de 16,1% à 22,6 mero. Etant donné le peu d’informations que le P-DG m’a donné concernant les perspectives, j’ai ressorti mon dossier d’analyses préalables. Je table sur une hausse de l’ordre de 20% du CA à 110 mero avec un maintien de la marge opérationnelle* autour de 17,5%, soit autour de 20 mero pour le résultat d’exploitation. Question cash, la boîte est saine avec 18 millions d’euros en trésorerie.
Parlons un peu ratios boursiers. La valeur d’entreprise du groupe (c’est-à-dire la capitalisation boursière – la trésorerie nette), ressort à 150 mero. Autant dire qu’avec une VE/REX de 7, la valeur n’est pas excessivement chère.
Son parcours boursier est exceptionnel. En un an, l’action a gagné 50% et s’échange autour de 9,70 euros. Mais si l’on remonte dans le temps, c’est encore mieux. « Nous sommes arrivés en Bourse via un placement privé en décembre 2006 au cours de 3 euros. Nos actionnaires ne sont pas malheureux » conclut Jean-Baptiste Descroix-Vernier. Depuis le début de 2010, le titre cote en continue, quand avant il était au fixing.
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40 minutes plus tard, notre entretien se termine donc. Nous nous saluons, et il embarque sur la moto-taxi qui l’amène à l’aéroport pour rejoindre son havre de paix : sa péniche d’Amsterdam. Je viens de rencontrer un P-DG heureux. Vu le cours boursier et les perspectives, je pense que les actionnaires le sont aussi.
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* Décryptage : marge opérationnelle ou marge d’exploitation
Cette marge présente le rapport entre le résultat d’exploitation (résultat opérationnel) et le chiffre d’affaires de l’entreprise. Par exemple, si une entreprise réalise des ventes à hauteur de 100 millions d’euros et que son résultat d’exploitation atteint 10 millions d’euros, la marge est de 10%. |