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TSMC, spécialiste de la fonderie de semi-conducteurs, a connu les montagnes russes sur les marchés, des niveaux record de 2019 à l’annus horibilis 2022. Il semble que la période de déclin s’achève pour l’entreprise qui s’apprête à reprendre l’avantage sur la concurrence grâce à une innovation technologique imparable.

 

Investir dans le semi-conducteur n’est pas une affaire de tout repos, tant le secteur a l’habitude de passer de crise en crise.

Durant la pandémie, l’industrie a traversé une véritable crise de l’offre. La pénurie de composants bas de gamme a eu des répercussions sur la quasi-totalité de l’industrie. Constructeurs automobiles, fabricants d’objets électroménagers du quotidien et assembleurs de smartphones ont dû faire dans la surenchère pour se procurer des composants qui étaient, en temps normal, banals. Avec une disponibilité quasi-illimitée et des coûts se comptant en dollars (lorsque ce n’était pas en centimes de dollar), ils étaient un non-sujet logistique… avant d’immobiliser, par leur absence, des industries entières.

En tant que producteurs, les acteurs du semi-conducteur ont ainsi traversé deux années fastes durant lesquelles les usines tournaient à plein régime et les clients s’arrachaient les produits à peine sortis des chaînes d’assemblage. A l’instar des producteurs d’énergie en période de pénurie de gaz, tous les acteurs du semi ont engrangé des résultats fantastiques en 2020 et 2021.

Puis l’inflation est arrivée, et avec elle la récession.

Les délais d’approvisionnement en composants standards sont passés des mois aux semaines, puis aux jours. Scénario impensable tant la pénurie était censée durer : les distributeurs se sont même retrouvés avec des stocks de puces qu’ils ont dû solder pour parvenir à les écouler.

Fidèles à leur court-termisme et leur absence d’anticipation, les opérateurs qui avaient porté aux nues les valeurs du semi se sont brutalement dégagés des dossiers.

TSMC, valeur-phare du monde de la fonderie, en a fait les frais. Après être passée de moins de 40 $ début 2019 à plus de 140 $ début 2021, son action a perdu la moitié de sa valeur en retombant à 60 $ à l’automne.

Le titre pourrait toutefois être mûr pour un rebond du fait d’une innovation qui va lui donner une nouvelle longueur d’avance sur la concurrence, et lui garantir un positionnement à forte valeur ajoutée – donc à fortes marges.

 

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Après les excès haussiers, les marchés vont dans l’exagération baissière. Bientôt le rebond pour TSMC ?

 

TSMC maîtrise le 3 nm

 Dans le monde de la fonderie, les progrès se font sur la finesse de gravure. De la puce basique qui équipe nos réfrigérateurs aux Systems on chips (SoC) survitaminés qui donnent à nos smartphones la puissance d’un ordinateur, l’architecture est toujours la même.

Une puce électronique reste, quels que soient son prix et son utilisation finale, un empilement de transistors. Des millions pour les petites puces, des dizaines de milliards pour les plus puissantes… mais, depuis les débuts de la microélectronique, elles restent des amas de transistors.

Plus les transistors sont petits, plus il est possible d’en mettre sur une surface donnée et moins ils consomment.

Cette propriété physique fait que la course à la finesse profite à la fois au haut de gamme et au bas de gamme. Pour les puces les moins chères, des transistors plus petits signifient que plus de puces peuvent être produites sur chaque galette de silicium qui sort des chaînes de production. Le coût par pièce est réduit d’autant.

Pour les puces les plus performantes, la gravure plus fine permet à coût équivalent de mettre plus de transistors (plus de puissance) tout en réduisant la consommation (plus d’autonomie).

C’est ainsi que la course à la finesse est devenue le cheval de bataille des fondeurs.

En maîtrisant la gravure à 3 nm (nanomètres) à échelle industrielle, TSMC a franchi une nouvelle étape. Le fondeur taïwanais ne livrait, jusqu’ici, que des puces gravées en 4 nm. La différence peut sembler négligeable, mais il s’agit d’une diminution de 25 % de la largeur des transistors, ce qui représente un bond équivalent en termes de rapport performance/prix.

 

La concurrence tétanisée

Médiatiquement, TSMC ne fait que rattraper Samsung qui avait déjà annoncé livrer les premières puces en 3 nm l’été dernier. Mais une avance de calendrier n’est pas toujours une avance technologique : les investisseurs tech se souviennent de la triste expérience de la gravure en 4 nm.

Samsung avait, à l’époque, annoncé maîtriser cette finesse avant TSMC… mais cette précipitation s’était faite au prix de concessions sur le design des puces. Quand TSMC a sorti ses propres puces 4 nm, elles se sont avérées à génération identiques 10 % supérieures à celles de Samsung – un véritable camouflet technologique.

Déjà, il se murmure dans le monde du semi-conducteur que les quelques mois supplémentaires pris par TSMC pour finaliser sa gravure en 3 nm lui permettent d’ores et déjà d’atteindre les 60 % à 80 % de rendement en sortie de chaîne de production.

Là encore, la différence est colossale : le rendement des chaînes 3 nm de Samsung stagnait, en 2022, entre 10 % et 20 %. Cela signifie que, pour chaque galette de silicium préparée à coût que l’on peut estimer identique, TSMC génère quatre à huit fois plus de chiffre d’affaires que Samsung !

Le rendement est d’ailleurs le nerf de la guerre. Avec des investissements se chiffrant en dizaines de milliards d’euros pour espérer pouvoir graver en 3 nm, les fondeurs doivent être vigilants sur leur capacité à rentabiliser leur investissement.

Les fondeurs low cost que sont Qualcomm et MediaTek, qui ont fait fortune avec des marges faibles et des volumes importants, ont annoncé il y a quelques jours faire l’impasse sur cette technologie pour le moment. Raison évoquée ? L’absence de visibilité sur les volumes de vente de smartphones Android, qui représentent le gros de la demande en processeurs embarqués.

L’effet ciseaux entre incertitude sur la demande et risque sur les rendements de production fait qu’il reste, paradoxalement, plus rentable pour Qualcomm et MediaTek de continuer à graver en 5 nm plutôt que de basculer vers le 3 nm.

Pour TSMC et son fidèle client Apple, qui utilise les fonderies du Taïwanais pour produire les processeurs ARM parmi les plus performants au monde, cet abandon de la concurrence est du pain bénit.

Les deux entreprises vont pouvoir creuser l’écart au niveau des performances et de l’autonomie par rapport à une concurrence à bas coût qui se faisait de plus en plus pressante ces dernières années.

Pour les actionnaires d’Apple et TSMC, qui ont essuyé des pertes significatives ces douze derniers mois, cette avance fondamentale pourrait être l’occasion de revenir, voire de se renforcer, sur ces dossiers en ce début d’année.

Après tout, la tech est un secteur éminemment cyclique et l’annus horribilis 2022 pourrait bien faire place à une année 2023 placée sous le signe du rebond. Et avec une capitalisation boursière de seulement 375 Mds$ (moins de 11 fois les bénéfices), TSMC est une valeur de croissance quasiment pricée comme une valeur défensive.

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