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GAFAM & Tech

Twitter : Elon Musk prend les banques en otage

By 7 novembre 2022janvier 23rd, 2023No Comments

C’est désormais officiel, le rachat de Twitter par Elon Musk est effectif. Si la sphère médiatique s’est concentrée sur les coups d’éclat et les rodomontades dont le milliardaire est friand, la face cachée financière de l’iceberg est au moins aussi importante.

 

C’est fait ! Le feuilleton du rachat de Twitter par le milliardaire Elon Musk, qui n’a pas manqué de défrayer la chronique cet été, touche à sa fin.

Revirements, menaces par médias interposés, actions en justice et finalement retour à la case départ ont occupé le terrain médiatique, et causé une volatilité inédite de l’action Twitter.

Autour des 55 $ il y a un an, elle ne valait plus que 32 $ au mois de mars 2022, avant de remonter au-dessus des 51 $ en avril… avant un nouveau tour de montagnes russes qui l’a emportée sous les 33 $ au mois de juillet, avant de retrouver les 50 $ début octobre.

 

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NYSE:TWTR : de 55 $ à 54 $ en 12 mois. Une année blanche pour les investisseurs, mais un terrain de jeu idéal pour les spéculateurs !

 

 

Elon Musk, qui a mis sur la table pas moins de 43 Mds$ pour proposer le rachat au printemps, ne disposait pas de cette somme. S’il possédait déjà 9,1 % du capital de la plateforme lors de l’annonce de l’acquisition, le reste devait être racheté sur les marchés en échange d’espèces sonnantes et trébuchantes qui lui faisaient défaut.

Dans la période d’insouciance économique du début d’année, Elon Musk a ainsi réuni autour de lui un consortium de grandes banques heureuses de lui apporter plus de 12 Mds$ de liquidités en échange de la garantie de ses actions Tesla. Mais le contexte a bien changé, et les banques sont aujourd’hui encombrées par ces engagements qui se matérialisent au pire moment.

 

Des grands noms en péril

 Elon Musk a su convaincre les banques de la solidité de sa situation et du bien-fondé de son investissement puisque Morgan Stanley, Bank of America et Barclays ont répondu présent pour lui apporter le cash qui lui manquait. L’engouement a d’ailleurs dépassé la sphère anglo-saxonne : les banques françaises Société Générale et BNP Paribas ont accepté de participer au rachat, et le dossier a séduit jusqu’au Japon avec la participation de Mizuho Bank, l’une des trois « mégabanques » japonaises avec Mitsubishi UFJ Financial Group et Sumitomo Mitsui Financial Group.

En contrepartie, il a mis en gage auprès de ces établissements des actions Tesla. Mais si le métier d’apporteur de liquidité est au cœur de la mission des banques, la situation actuelle rend les engagements difficiles à tenir.

L’action Tesla, d’une part, a perdu de sa superbe. Entre le 1er avril et le 20 octobre, sa valeur s’est contractée de – 42,6 %, réduisant la solvabilité du milliardaire dans des proportions équivalentes.

Pire encore, les banques se sont elles aussi engagées à l’aveugle, certaines qu’elles étaient à l’époque de leur capacité à revendre la « dette Twitter » à des tiers. Sur les 25 Mds$ promis, le Wall Street Journal estime qu’elles doivent lever 13 Mds$. Et en cet automne, trouver une somme à onze chiffres sur les marchés n’a rien d’une mince affaire – même pour les plus grandes banques du monde.

 

Où sont les apporteurs de liquidité ?

 Selon le Wall Street Journal, les banques sont désormais dans l’impossibilité de revendre la dette ayant servi à racheter Twitter sur les marchés obligataires. Du fait de l’explosion du coût de l’argent ces six derniers mois, revendre le papier pour le sortir de leur bilan se ferait nécessairement avec une moins-value. La perte immédiate serait de 500 M$ – et encore ce chiffre part-il du principe que la dette trouverait preneur aux conditions actuelles.

Au mois de septembre, un consortium mené par Bank of America a par exemple revendu pour 4,5 Mds$ de dette pour retrouver les liquidités ayant servi au rachat de l’éditeur de logiciels Citrix Systems. Dans l’opération, il a perdu la bagatelle de 700 M$.

Une opération similaire (4 Mds€ utilisés pour financer le rachat à crédit de Lumen Technologies par Apollo Global Management) a même purement et simplement échoué, et les banques ont été contraintes de conserver la dette.

Ces mésaventures prouvent que, sur toute la planète, le paysage financier fait face à un véritable assèchement de la liquidité. Comme au plus fort de la crise des subprimes, la dette d’État fait de moins en moins envie… tandis que la dette privée qui ne dispose pas de garanties parfaites ne trouve parfois même plus preneur.

 

Elon Musk labellisé junk bond

 La situation est d’autant plus délicate que la dette Twitter est loin d’être de première qualité. Elle est constituée de compartiments de dette nantie, non-nantie, et de junk bonds, les fameuses « obligations pourries » dont la baisse des valorisations avait fait trembler le système financier il y a quinze ans.

Les banques sont donc face à un dilemme. Tenter de vendre cette dette bas-de-gamme, c’est subir au pire un échec du placement, et au mieux une perte se chiffrant en centaines de millions de dollars. Conserver la dette au bilan, en revanche, internalise la perte et risque de plomber les comptes de la banque pour les années à venir – d’autant que la santé financière de Twitter et la pérennité des investissements d’Elon Musk n’ont rien de garanti.

Avec déjà plus de 100 Mds$ de dette coincée dans les bilans des grandes banques, selon des estimations relayées par Les Echos, les 13 Mds$ dus à Elon Musk sont loin d’être indolores. D’autant que nul ne sait encore le sort que l’entrepreneur fantasque réserve au réseau social.

Après avoir fait trembler la NASA, voilà qu’Elon Musk donne des sueurs froides aux plus grandes banques de la planète. Elles se retrouvent dépendantes de sa capacité à rendre Twitter rentable et d’une normalisation du marché obligataire pour éviter de subir une perte dont elles n’ont vraiment pas besoin dans la période actuelle.

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