Nicolas Maduro a déclaré dimanche que son pays ne se mettra « jamais » en défaut de paiement… alors que le Venezuela ne parvient plus à rembourser des pans entiers de sa dette, faute de créanciers prêts à prendre le risque de lui avancer encore de l’argent.
Et si jamais certains étaient malgré tout disposés à tenter l’aventure, je rappelle que Washington interdit aux banques américaines ou à des citoyens américains d’acheter des émissions obligataires vénézuéliennes ou de conclure des accords de refinancement de toute nature avec Caracas.
Un autre gros problème se pose pour Maduro : le fait qu’il refuse d’admettre l’inéluctable ne l’empêchera pas de se produire et ce pour au moins trois raisons techniques sur lesquelles il n’a aucune prise :
1. le défaut d’un Etat, partiel ou total, peut être prononcé par un créancier privé (70% des 150 Mds$ de dette extérieure sont détenus par des institutionnels américains ou canadiens), par une agence de notation (elles ne devraient pas tarder à statuer sur le cas du Venezuela), ou par l’ISDA (Association internationale des produits dérivés) ;
2. or l’ISDA pourrait justement déclarer mardi, suite à sa réunion concernant la dette de PDVSA, l’obligation 8,5% de Petroleos de Venezuela SA en défaut. L’échéance du coupon du 2 novembre n’a pas été payé. Cela placerait officiellement le Venezuela en situation de défaut et pourrait sonner la fin de la partie pour Nicolas Maduro ;
3. car côté créanciers privés, le mal est déjà fait : Bloomberg a annoncé vendredi dernier que les obligations 8,5% échéance 2018 émises par Corpoelec, la compagnie nationale d’électricité du Venezuela, avaient franchi le cap des 30 jours de non-versement des intérêts, ce qui valide le constat technique et désormais officiel d’un défaut.
C’était aussi inéluctable que la chute des feuilles d’érables lorsqu’elles ont viré au rouge et que les premières gelées matinales font leur apparition. La récente flambée des CDS (+68% en 1 mois, à plus de 22%) laissait présager que le couperet n’allait plus tarder à tomber.
Nicolas Maduro était même un peu pathétique lorsqu’il affirmait, dimanche, devant les télés du pays que « sa stratégie est de renégocier et de refinancer toute la dette » et qu’il a convoqué à cet effet une réunion des créanciers internationaux… à laquelle les représentants américains ont l’interdiction de se rendre.
▶ Les Chinois viendront-ils au secours de Caracas ?
Pékin s’est beaucoup engagé aux côtés de Caracas depuis 2015 (au-delà de 50 Mds$), ce qui a permis de retarder l’échéance à laquelle nous sommes bel et bien parvenus. Pékin pourrait aisément sortir de son chapeau les 1,7 Md$ (gagés sur des livraisons de pétrole) qui permettraient au Venezuela de rester solvable jusqu’au 31 décembre… Mais cela n’empêcherait pas ce pays de s’enfoncer dans l’impasse.
Mieux vaudrait peut-être arrêter les frais puisque la partie est perdue… A moins que des calculs politiques ne décident qu’il est urgent de gagner du temps.
Depuis un an déjà circulaient des rumeurs d’un plan d’échanges d’obligations concocté par la compagnie pétrolière nationale PDVSA : les emprunts arrivant à échéance fin 2017 ou 2020 seraient convertis en obligations à maturité plus longue, avec à la clé un taux apparemment très attractif de 8,5%.
J’en profite pour rappeler à nos lecteurs cette règle immanente : une émission obligataire rapportant un intérêt supérieur à 7% ne sera, dans la majorité des cas, pas remboursée : le rendement moyen des subprime en 2007 était de 7,5%… « sans risque » bien sûr puisque c’était libellé en dollar !
En ce qui concerne la garantie des prêts vénézuéliens par du pétrole, c’est depuis longtemps une vue de l’esprit puisque faute d’entretien et d’investissement, ce sont désormais près d’un tiers des 80 puits qui sont à l’arrêt. Plus le pays emprunte, moins il a d’or noir à livrer.
Seule une spectaculaire remontée des prix du pétrole pourrait sauver Caracas.
▶ L’Arabie saoudite sera-t-elle l’étincelle qui mettra le feu au pétrole ?
Or il se trouve qu’un autre pays – en pleine transformation/transmutation politique – a également un grand besoin de voir les prix grimper : il s’agit de l’Arabie saoudite qui a déjà consommé plus d’un tiers de ses réserves en devises et a dû emprunter 100 Mds$ pour boucler son année.
C’est tout de même l’un des plus grands acheteurs planétaires de T-Bonds US qui se retrouve emprunteur net en dollar !
Le Venezuela et l’Arabie ont comme point commun de détenir respectivement les première et deuxième réserves d’or noir prouvées sur la planète : deux pays au bord du chaos.
L’un est en situation de faillite avérée, l’autre est engagé dans une guerre perdue contre Damas puis une guerre ingagnable au Yémen… et comme si cela ne suffisait pas, cherche l’affrontement avec l’Iran, sous les encouragements de Tel Aviv et Washington.
Est-ce que cela suffit comme explication à la hausse du pétrole ?
Est-ce que cela suffit à remettre en cause les anticipations d’inflation très basse sur lesquelles sont assises les valorisations astronomiques des marchés obligataires et des marchés d’actions ?
Est-ce que ces marchés se sont inquiétés de cela seulement une fois cette année ?
1 commentaire
« C’était aussi inéluctable que la chute des feuilles d’érables lorsqu’elles ont viré au rouge et que les premières gelées matinales font leur apparition »
image simple mais comme on dit : « qui a de la classe ». Bravo et merci à défaut de nouvelles plus optimistes